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vendredi 27 novembre 2015

[#1 Au quotidien] Icônes, les premières.


Lawlie pour "La Plume et le Lys"

Agnès Sorel. Elle est grande, elle est belle. Agnès Sorel, cette figure angélique envoûte les premières cours, et laisse librement s'échapper sa poitrine laiteuse, inspirant nombre de figures iconographiques plus ou moins catholiques.

Mais qui est-elle cette première icône ?

Agnès Sorel est née vraisemblablement autour de l'an 1422, et est décédée à l'âge canonique de 28 ans après avoir donné quatre filles, trois vivantes et une qui ne lui survivra guère - née du roi de France Charles VII dont elle était l'illustre maîtresse - il n'est d'ailleurs pas rare de se souvenir plus précisément d'elle que de lui.
Toute la vie d'Agnès Sorel tournera autour de sa légendaire beauté, qui lui fera monter les échelons, de dame de compagnie à première maîtresse en titre de l'Histoire.
En 1422, nous sommes dans le Moyen-Âge tardif.
Le canon de beauté de l'époque ? Gracile, la taille fine, le front haut, souvent épilé, la bouche rouge en bouton de rose, les manières élégantes et lentes, le port altiers et la peau d'une grande blancheur.
Les mœurs deviennent plus légères, les tenues aussi, et si l'homme commence à se questionner sur sa place dans l'univers, il se détache également peu à peu de l’oppression religieuse. Elle est comme ça, Agnès, elle décide de découvrir ses épaules, puis de braver l'interdit en rougissant ses lèvres au coquelicot, blanchissant sa peau à l'os de seiche, rallongeant les traînes, affinant les tissus, jusqu'à découvrir l'un de ses seins par fantaisie, étant très rapidement imitée par de nombreuses femmes de qualité.
On ne sait pas grand chose de la personnalité d'Agnès, les chroniqueurs de l'époque s'en donnant à cœur joie sur ses mœurs, mais son influence est en tout cas si grande qu'elle réussit à faire chasser le fils du roi, insupporté par sa présence, dans son fief du Dauphiné.
En lui offrant le Château de Beauté, aujourd'hui disparu sur la commune de Nogent sur Marne, elle acquiert ce surnom de "Dame de Beauté" qui lui sied à ravir car comme l'Histoire l'a retenu, Agnès Sorel était considérée à l'époque comme la plus belle femme du monde.
C'est finalement un remède douteux contre un parasite intestinal (nous aurons l'occasion de reparler de remèdes douteux...) qui la tuera après l'accouchement provoqué au 7e mois de sa dernière fille.

Il est intéressant de noter l'ironie des artistes utilisant l'image de la Dame de Beauté pour illustrer de belles madones à l'enfant, elle usant de ses charmes sensoriels pour évoluer au sein des plus grands.

Agnès Sorel par Jean Fouquet

La belle Agnès Sorel ne vivra guère mais sera officiellement la première à démarrer une identification massive des femmes envers les autres femmes, lanceuse de mode et introduction à l'icône de beauté telle qu'on la connait et la célèbre toujours plus au XXIe siècle.

Le leitmotiv de ces muses "fashion" reste de faire fi de toutes les convenances, sous l’œil amusé de leurs royals amants, car oui, l'icône glamour est très souvent, jusqu'au XXe siècle et l'arrivée du cinéma, une femme de pouvoir proche de la royauté et de son entourage.

Succéderont à Agnès Sorel d'autres grandes beautés qui déchaîneront les passions et les haines. Car trop d'influence pour une femme, c'est l'assurance de bien des ennemis, même si cette influence ne passe que par le tourment des sens.

Prenez Diane de Poitiers par exemple. Maîtresse royale, elle aussi, formidablement peinte et repeinte, sa beauté est vantée dans le monde entier. Elle naît autour de l'an 1500, vraisemblablement en septembre 1499, soit 80 ans après Sorel dans une famille de noblesse. Henri II, dont nous ne gardons là non plus pas une familiarité immense, en est fou, au point que son épouse, la très célèbre Catherine de Médicis, ne brillant pas pour sa grâce, développera une haine tacite envers Diane, au point d'espionner son mari et sa maîtresse, pourtant de 20 ans plus âgée qu'elle, au lit, par un trou dans le plafond, sans autre forme de concession. Néanmoins, bien des histoires circulent sur la rivalité Catherine / Diane alors que les historiens possèdent peu de preuves d'un amour passionnel, Henri étant un homme plutôt discret, a contrario des deux femmes de sa vie. Mais se voulant obéissante, l'Italienne mettra un point d'honneur à conserver Diane comme dame de compagnie, ne serait-ce pour panser son orgueil.

Nous sommes à la Renaissance et dites vous une chose, Sandro Boticelli, maître peintre, considérait que l'espace entre vos deux tétons devait être égal à l'espace entre votre téton et votre nombril ainsi que l'espace entre votre nombril et votre pubis. Sinon, c'était le drame.
Outre ces considérations anatomiques précises, la femme de la Renaissance doit être belle, sinon c'est qu'elle n'est pas bonne (oui souvent dans l'Histoire, beau rime avec bon, laid avec méchant, vous avez du le remarquer sur bon nombre d'illustrations de fantaisie ou de conte), elle devait être blonde, le cheveu long, (utilisez le citron et le safran en décoloration, effet garanti), en forme mais pas trop, un petit nez droit surmonté d'une paire d'yeux clairs, un port de reine et de belles manières fines dans l'idéal.
Diane n'est pas très appréciée par la gent féminine et c'est le moins que l'on puisse dire. Jouissant d'une influence que certains disent sans limite, elle restera au côté de sa majesté jusqu'à sa mort, résidant dans le somptueux château de Chenonceau. Catherine la fera chasser à la mort du monarque et récupérera le bâtiment qui porte encore de nombreuses traces de ce trio amoureux.

Dame à sa toilette (Diane de Poitiers) par l'Ecole de Fontainebleau (1594)

Diane de Poitiers est accro à sa beauté et toutes les femmes veulent lui ressembler même si elles adorent la détester. Mais cette obsession la conduira à la mort alors qu'elle s'intoxiquera seule à l'or, qu'elle avale chaque jour en potion pour ses soi-disantes vertus conservatrices. Diane a les yeux bleus et les cheveux blonds, une silhouette dite "parfaite" et aurait conservé, selon les Mémoires du Seigneur de Brantôme, la fraîcheur de ses 30 ans alors qu'il la croise à l'âge de soixante-dix ans ! Des nuits de 10 heures, des bains glacés réguliers, dans un siècle qui a peur de la propreté en particulier du pouvoir de l'eau, une activité physique régulière, autant de saines occupations qui lui permettent de conserver une forme de jeunesse durant de nombreuses années. Diane était en quelque sorte une précurseur de la beauté moderne. Ajoutant à cela une passion des arts, une ambition sans limite, un pouvoir de persuasion et un charisme bien sentis qui compléteront l'envie de chacune de s'en inspirer.

La quête des beautés et des pouvoirs est lancé. L'apparence sera un enjeu moteur pour les femmes dans leur ambition, leur quête de voir en grand. Et pour cause, ce n'est qu'après avoir vérifié du charme d'une femme que les chroniqueurs se concentraient sur ce qu'elle avait à dire. Souvent, être jolie et agréable suffisait. Être fatale était un atout majeur. Être intelligente venait en dernier recours, si mère nature avait jugé que vous seriez plutôt des vilaines que des gracieuses. Entretenir sa beauté afin de rentrer dans le cercle de celles qui comptent était le premier pas. Entretenir la subtilité de son état permettait ensuite de se faire une place durablement, car la beauté est une amie infidèle qui déserte souvent son camp au fil des ans.

Nous aurons largement l'occasion de reparler des icônes avec des portraits, certaines connues, à l'instar d'Elisabeth d'Autriche, dite Sissi, de Marie Antoinette de France ou plus récemment de la sulfureuse Sarah Bernhardt, d'autres moins comme la délicieuse Gabrielle d'Estrée ou la délurée Nell Gwynn.

Bienvenue sur La Plume et le Lys, j'espère que vous prendrez plaisir à me lire et à connaître leurs histoires, ayant fait l'Histoire.

Psst : Les favorites royales vous intéressent mais vous ne voulez pas lire de roman ou vous souhaitez compléter vos lectures ? Essayez donc "La saga des favorites" de Jean des Cars, vous m'en direz des nouvelles !
Envie d'un bon roman sur Diane de Poitisers et Catherine de Médicis ? Je ne peux que vous conseiller "Mademoiselle de Pâquelin" de Jocelyne Barthel ou le très bon "L'éducation courtisane" de Linda Sayeg.

Illustration : https://www.facebook.com/Lawlie0/