Test

lundi 22 février 2016

[#5 Au quotidien] L'étude et la pratique de la médecine chez les femmes




La médecine et le soin sont des disciplines aussi anciennes que l'humanité elle même. Pour sauvegarder son espèce, l'homme de tout temps a eu recours à quantité de remèdes, potions, expérimentations, recherches lui permettant d'avancer au fil des âges et de partir à la conquête de ce qu'est aujourd'hui la médecine moderne.
Mais saviez vous que si actuellement en occident la place des femmes en médecine est bien établie - quoi que toujours en inégalité salariale avec les hommes - elle revient de loin, de très loin ? C'est un petit avant goût de cette épopée que je vous propose de découvrir aujourd'hui sur La plume et le Lys.

1868, Paris. Mme Brès sous les regards et les interrogations foule d'un pas décidé les portes de l'Université de médecine Pierre Descartes. Elle est dans son droit, elle est la première inscrite officielle et légale, et elle sera diplômée en 1875. A ses côtés, elles sont trois, puis dix, et enfin plus d'une centaine dont 35 seront officiellement reconnues et diplômées "docteur en médecine" en 1888. Le progrès est en place et enfin les femmes n'ont plus à se cacher pour exercer cet art qui leur a si souvent été interdit.

Madeleine Brès, première étudiante officielle en médecine, XIXe siècle

Remontons bien plus loin, à l'époque de la médecine dite "primitive". Les chercheurs ont découvert des traces de médecine pratiquée par des femmes dès le 3e millénaire avant Jésus Christ. Dans de nombreuses tribus, comme en Australie chez les Olo-Maanyam par exemple, la femme seule à le pouvoir de prodiguer les soins, qui ne sont encore que des élixirs à base de plantes puissantes et des remèdes de relaxation, massages naturels, ou décoctions animales. Une valeur sacrée est attribuée à son savoir faire.
C'est également le cas à Sumatra, Bali, dans de nombreuses tribus asiatiques, en Arabie ou l'homme soigne le riche, la femme le pauvre, chez les Indiens d'Amériques, ou la médecine primitive relève de rites initiatiques et surnaturels mais largement ouverts voir encouragés à la pratique par le beau sexe.

Dans l'Antiquité, le même schéma se poursuit, en Grèce ou plus tard dans la Rome Antique, la femme peut exercer la médecine sous un certain contrôle, se voyant le plus souvent confier des travaux de sage femme, gynécologue, soigneuse et confectionnant potions, onguents et décoctions. Les premières infirmières voient également le jour, passant derrière les médecins pour aider, rassurer, ou effectuer les tâches ingrates. Néanmoins l'étude de la médecine reste marginale pour les femmes qui peuvent suivre des cours enseignés par des érudits mais à l'époque d'Hippocrate, la femme soignera uniquement la femme et le plus souvent dans des domaines relevant de l'obstétrique.

C'est néanmoins une place difficilement acquise. Car en effet, la première à avoir bravé le droit commun pour exercer en toute légalité dans la Grèce antique est Agnodice, qui, déguisée en homme passera brillamment le concours de gynécologie qu'elle pratiquera illégalement un temps. Soupçonnée, elle dévoilera sa véritable identité et sera sauvée par les citoyennes reconnaissantes de ses services. Elle exercera ensuite son art en y étant autorisée et sera suivie par de nombreuses autres légitimées par le dikastèrion, le tribunal de droit commun à Athènes.
Les prêtes jouent un rôle de moins en moins important dans la guérison et on aime se tourner vers une médecine plus traditionnelle et stable, émanant d'études poussées sur les fonctions du corps et l'évolution d'un mal. Les manuels obstétriques commencent à voir le jour, et comme nous l'avons vu sur l'article consacré aux recettes de beauté, Cléopâtre elle-même prendra la plume pour écrire "L'ornement du corps".

Agnodice, gynécologue à Athènes, 350 av JC

 L'Europe médiévale, sera plus frileuse. La religion prends le pouvoir sur les esprits, réduisant la médecine à un savoir obscur et la place des femmes au minimum vital. Donner la vie, élever les enfants, divertir, s'occuper de son foyer. Néanmoins et aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est bien dans un couvent que l'on va trouver une des plus éminente femme médecin du siècle.
Hildegarde de Bingen est née en 1098 en Allemagne. Touchée par la grâce de Dieu dès 3 ans selon ses dires et décédée à l'âge vénérable de 81 ans, elle fut canonisée en 2012 et nommée "Docteur de l'Eglise". En effet, cette abbesse de caractère va écrire tout au long de sa vie quantité d'ouvrages de recherche sur la biologie, la botanique et l'histoire naturelle. Considérée comme médecin déjà de son temps, elle prodigue des soins à base de minéraux mais aussi et surtout dispose d'une pharmacopée immense pourvues de centaines de plantes qu'elle teste et utilise sans restriction pour soigner avec succès la plupart des maux. Elle démontrera également de grands talents de linguiste et de musicienne.

Néanmoins, son cas reste isolé. Car à part l'Italie, déjà en avance sur la science en générale et possédant une école réputée, l'école de médecine de Salerne, ouverte aux deux sexes, le reste de l'Europe médiévale reste frileuse quant à confier des soins aux femmes et particulièrement en France. La dernière médecin officiellement reconnue comme telle avant Madeleine Brès 700 ans plus tard, dont nous parlions au début de l'article, est Magistra Hersend chirurgienne de Louis IX. L'Ancien régime et son université de médecine n'admet que les hommes célibataires en son sein (ou mariés avec dérogation) et le cas de Jacqueline Félicie de Almania, une italienne vivant à Paris et exerçant la médecine "mieux qu'un homme" peut retenir notre attention. En effet dans le siècle d'Ambroise Paré le savoir médical est empirique et strict, elle fut donc jugée et condamnée à stopper tout exercice de soin pour l'unique raison que cet art ne pouvait être pratiqué correctement par les seuls hommes ayant étudié à la faculté. De très nombreuses femmes entre les XIIIe et XVe siècle furent accusés de sorcellerie et brûlées pour leur exercice illégale de la profession et si il est difficile d'en trouver un motif officiel, on pourra en retenir qu'une fois de plus les hommes de pouvoir n'aiment guère céder leur place. Depuis lors, si la médecine n'a pas été formellement interdite aux femmes par traité, la France n'en avait plus connu d'officielle jusqu'au XIXe siècle tant la pression exercée sur elles était forte et la peur d'une condamnation dissuasive.
Le reste de l'Europe suit sensiblement les mêmes règles bien que l'Allemagne et les Pays Bas autorisèrent l'étude de la médecine aux femmes respectivement au XVIIIe siècle pour l'un et quelques décennies avant la France pour l'autre.


Schéma anatomique de Léonard de Vinci, des croquis déconseillés aux chastes yeux féminins.

L'Eglise encourage vivement les hommes à tenir leurs épouses loin du savoir et particulièrement de l'anatomie étant jugée choquante pour les yeux purs d'une honnête mère de famille. Néanmoins, malgré cette interdiction tacite, dans le monde entier, les femmes se battent pour exercer leur savoir autodidacte dans la discrétion et parfois même, le secret.
Pratiquant pour la plupart l'exercice de sage femme ou d'infirmière, autorisé car ne répondant pas aux normes de l'étude de la médecine à proprement parlé, d'autres continuèrent à consigner l'étude anatomique, des plantes et de la biologie pour en faire profiter leur entourage. Cependant, en temps de guerre, les femmes sont souvent appelées au chevet des blessés, les médecins officiels et le clergé étant occupés ailleurs, on leur redonne la place qui leur est due lorsque la nécessité s'en fait vraiment sentir.

Faculté de medecine de Paris, la première en France à ouvrir ses portes aux femmes

A partir du XIXe siècle, tout s'accélère pour les femmes. Enfin admises dans les facultés de médecines, elles se révéleront douées et très nombreuses partout dans le monde. De très nombreux cas sont à noter à l'instar de Elizabeth Blackwell, première femme médecin certifiée aux Etats Unis en 1849 qui fonda son propre établissement réservé aux femmes en 1857.
Pour elle comme pour toutes les autres, l'apprentissage se relèvera néanmoins compliqué. Les préjugés des professeurs et des élèves en découragèrent bon nombre, poussant les résistantes à s'endurcir plus que de raison, dans les salles de dissection notamment, ou la moindre faiblesse était imputé à leur statut de femme. 
La première guerre mondiale acheva de convaincre le monde que les femmes pouvaient non seulement avoir les capacités intellectuelles pour faire de bons médecins mais également les capacités physiques et morales indispensables à l'exercice de leurs fonctions. Infirmières, aides aux soins, chirurgiens, médecins généralistes, sage-femmes, au XXe siècle, les différences s'atténuent entre les hommes et les femmes enfin reconnues dans leur bon droit qui pourtant leur avait été accordé bien avant notre ère dans la plupart des civilisations.

Equipe de femmes soignantes, première guerre mondiale, 1914
Psst : Envie d'un bon roman sur le sujet ? Je vous conseille le passionnant "Quand soufflera le vent de l'aube" d'Emma Fraser et le non moins excellent "1, rue des petits pas" de Nathalie Hug

Article : Hélène Rock
Illustration : Lawlie 

1 commentaire:

  1. Et bien, je crois qu'on ne se doute pas assez aujourd'hui de toute la reconnaissance qu'on peut avoir envers ces femmes. Si seulement la réincarnation existait pour qu'elle puisse profiter de ce pour quoi elle se sont elle-même battues.... C'est vrai qu'il y a encore beaucoup à faire mais après tout comme tu le dis, ça ne fait que 200 ans qu'on nous laisse enfin de la place sur les bancs. Contre 6 000~ ans d'histoire, c'est bien peu!

    Ce n'est pas la première fois que tu cites le livre de Nathalie HUG, je crois que je vais finir par céder à la curiosité! Ça me changera de ma lecture fantastique. ^^

    RépondreSupprimer