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lundi 4 avril 2016

[#6 Au quotidien] La violence domestique dans l'Histoire




"Le droit de punir", ainsi nomme-t-on depuis le XVe siècle, la violence maritale. L'Église émet à ce moment d'ailleurs une ordonnance précisant quand et comment un homme pouvait battre sa femme.
On peut donc noter que la notion est assez récente contrairement à ce que l'on pourrait être amené à croire aujourd'hui.
Mais comment est définie la violence domestique ?
Dans les textes, comme "une forme de brutalité corporelle, homicide ou non, qui explose de nuit comme de jour dans la cellule familiale", ce qui, contrairement à la violence maritale, inclut également les enfants, les parents, les domestiques... (j'allais écrire les animaux, mais non, ça c'est depuis l'an dernier...). On peut désormais ajouter à la brutalité corporelle la dimension morale qui à l'époque n'était guère prise en compte.
Néanmoins, si le droit de corriger sa femme s'est établi récemment, la violence en tant que telle au sein des foyers existe depuis la nuit des temps, chez les hommes comme chez les femmes dans une indifférence relative, ou le plus souvent gardée bien pour soi au sein des murs de la cellule familiale. Je pense qu'on peut facilement imaginer les discussions de villages type : "il m'a encore frappée hier soir, bourré comme un coing", la seule différence avec notre période serait le droit à la plainte légale.

Aujourd'hui nous pouvons comprendre, relativiser et envisager des causes psychologiques à de nombreuses violences domestiques, mais saviez-vous qu'au XVIe siècle, plus de 5000 femmes furent pendues pour infanticide ? Évidemment, l'infanticide est un crime odieux qui se doit d'être sévèrement puni. Mais lorsque l'on sait que ces femmes étaient toutes ou presque tombées enceinte hors mariage, comment savoir lesquelles ont été violées ? Comment ne pas se poser la question devant la détresse d'une énième grossesse sans contraception et sans possibilité d'avorter, d'un avenir probable de prostitution sans un mari pour subvenir aux besoins d'un foyer ou de l'incapacité à nourrir le rejeton de ces relations dites "paillardes". La violence domestique dans l'Histoire, si elle est tout aussi condamnable qu'aujourd'hui, est cependant à prendre avec l'ensemble de ses composantes.
Le droit à l'abandon de l'enfant, l'obligation de déclarer les naissances et, plus récemment, le droit à l'avortement et l'accès à la contraception et à un accompagnement psychologique a bien évidemment fait baisser le taux d'infanticides en Europe de manière significative.

Titien, Le viol de Lucrèce

Pour en revenir au sujet qui nous intéresse, sachez qu'au Moyen-Âge, si le "droit de punir" n'est pas obligatoirement défini comme tel, il semble normal qu'un mari puisse corriger sa femme si elle désobéit aux règles imposées par le patriarche au sein de sa maison. De très nombreuses plaintes et demandes de divorces sont néanmoins enregistrées auprès des ecclésiastiques par des femmes qui se considèrent "violentées plus que de raison". Mais alors quelle est la limite entre la correction et la violence ? À cette époque, c'est au prélat d'en juger et autant vous dire que ça ne devait pas être triste. Selon la compassion du juge, ses liens avec le mari mis en cause ou simplement le temps dont il disposait pour traiter la question, on peut imaginer que ces demandes étaient étudiées avec le minimum de considération. Selon les écrits nous restant, les demandes étaient acceptées si l'époux se comportait avec une "réelle cruauté amenée par la folie et pouvant nuire à la vie de la victime", on peut donc légitimement se demander ou est la limite à la violence.



La violence domestique est prise en compte si la victime reçoit des coups asséné avec le corps (mains, jambes, tête...) ou avec un objet de la maison. Si la victime est violentée hors de son domicile avec un objet prêté ou subtilisé, on considérera plutôt cela comme une tentative de meurtre. Jusqu'à la Révolution Française, ce sont des nuances qui jouent sur les condamnations et les prises en compte de violence. Pour ne pas condamner tout type de violence et laisser le patriarche avoir un droit de correction sur sa femme et ses enfants, on cherche la petite bête pour faire la différence. Par exemple, une femme laissant son rejeton sur le parvis d'une église un jour de printemps ou d'été ne voudra que l'abandonner, la même femme l'abandonnant derrière l'église un jour d'hiver voudra certainement attenter à sa vie. Il est très difficile de trouver une impartialité dans la définition des violences jusqu'après la Révolution Française après laquelle l'ensemble des textes sur la question seront revus et corrigés. Néanmoins, même au XIXe siècle, le droit de punir est toujours établi et il faudra attendre le XXe siècle avant de punir toute violence, physique ou morale au sein d'un foyer.
On trouve notamment un cas de procès au XVIIIe siècle ou Jean-Robert Tronchin, procureur, poursuivit et condamna un père de famille ayant jeté deux de ses enfants par la fenêtre du troisième étage pour un vol de cerises. Voyez jusqu'à quel extrême il faut aller pour avoir une chance de voir le tortionnaire se faire reconnaître comme violent.

Notez que la charte de la bonne épouse au Moyen Âge, le "Ménagier de Paris", préconise d'obéir, de servir, d'aimer son époux et de le placer au dessus de tous les hommes. De ne confier son malheur qu'à Dieu, de ne sortir qu'en honnête et féminine compagnie, les yeux baissés en restant douce, aimable, calme, modérée, débonnaire. Respecter ces règles nous paraîtrait aujourd'hui comme un doux début à la violence. Le simple fait de ne pouvoir être soi-même, de fermer les yeux sur les infidélités de monsieur sans pouvoir s'exprimer ou ne pas avoir le droit de sortir avec qui bon nous semble en regardant ce que bon nous semble, nous paraîtrait inconcevable. C'était pourtant la norme de l'époque, la violence maritale était donc toute relative et ne s'appliquait, comme nous l'avons vu, qu'en cas de coups donnés sous la folie et entraînant possiblement la mort. On est loin de la claque quotidienne que devait subir la femme qui osait parler la première sans permission.



Aujourd'hui en France, on compte environ 216 000 (chiffres du gouvernement pour 2015) femmes victimes chaque années de violences conjugales. Bien que la population du Moyen-Âge était clairement moindre, il faut savoir qu'un couple heureux n'était pas nécessairement du meilleur goût et si malheureusement aucun chiffre n'existe, on peut imaginer avec les données en notre possession qu'une femme sur deux subissait fréquemment des violences à la maison.
On pourrait également s'étendre longuement sur la violence sexuelle (on abordera prochainement le thème du sexe dans l'Histoire, c'est promis) mais l'absence de données ne nous permet pas d'en parler avec le recul nécessaire. D'ailleurs, le viol par le conjoint n'est reconnu que depuis quelques années et pour cause, un simple mariage arrangé, banalité sans nom jusqu'au XXe siècle est aujourd'hui considéré comme un viol alors qu'à l'époque il était simplement normal.

Il faudra attendre les années 1970 pour qu'ouvrent des centres d'accueil pour les femmes battues, et les années 2000 pour que l'ampleur du phénomène (1 femmes sur 10 ayant subi une violence, physique, morale ou sexuelle durant l'année qui a précédé l'entretien) soit enfin dévoilée et que les consciences s'ouvrent sur le sujet.

PS : Preuve que le sujet, même si autorisé voir plébiscité au sein des maisonnées, n'est finalement pas si innocent, il est très difficile de trouver l'auteur des illustrations présentées, nous nous en excusons.

Article : Hélène R.
Illustration : Lawlie

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